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Les Agapes - AMAP de Bois le Roi
29 septembre 2011

Interview de J.Lacube, Apiculteur

Depuis plusieurs années nous consommons je pense avec plaisir les miels et le pain d’épices de Jean LACUBE apiculteur à Nandy en Seine et Marne. Sa passion est assez particulière. Il côtoie des insectes dits "sociaux" (c'est la définition qu'en donne le Petit Larousse)…pas pour tout le monde. Qui n'a pas craint, un jour, une seule abeille ? Jean LACUBE est un apiculteur passionné. Je vous laisse le plaisir de le lire :

J. LACUBE : La France détient un trésor de santé avec des miels d'origine florale et régionale diversifiés. Le miel de Romarin du Narbonnais et des Corbières ou de Bruyère blanche, le sapin des Vosges, les miels de Framboisier et de Châtaignier des Cévennes, les miels de Lavande de Provence et tous les miels toutes fleurs. La profession souffre du développement d'une agriculture intensive et de l'arrivée sur le marché de produits de traitement dangereux. Heureusement c'est sans danger pour le miel et le consommateur mais pas pour les abeilles. L'abeille a le mauvais rôle de filtre biologique. Elle se sert partiellement de sa récolte comme d’un équivalent carburant pour le retour vers la ruche. S'il est pollué par les produits de traitement elle en meurt ou est désorientée et ne retrouve plus sa ruche. Il faut savoir que les butineuses disposent de moyens sophistiqués de navigation. Par des danses, dont la forme et la fréquence de reproduction varient, elles communiquent entre elles pour s'informer de l'angle de vol et de la distance en tenant compte des obstacles. Or ces produits phytosanitaires s’attaquent à leur système nerveux et les déboussolent.

On devient apiculteur souvent par passion, un virus qui se transmet souvent de père en fils. L'apprentissage avec une personne expérimentée constitue un bon moyen de se familiariser avec les abeilles, ou des cours de formation à l’apiculture. À Dammarie-les-Lys, en Seine et Marne, l’association le GABI (www.gabi77.org) assure des sessions de formation. Mon père avait 130 ruches lorsque j'ai pris le relais. Avec lui, j'ai acquis l'expérience nécessaire et une certaine assurance qui me permettait par exemple de ne plus éprouver le besoin de porter des gants. Pratiquer l'apiculture nécessite toutefois de maîtriser des gestes précis et un certain professionnalisme. Et de contenir sa peur devant ces milliers d'abeilles qui s'activent. La première fois, c'est impressionnant mais très vite cela devient grisant et passionnant.

 

Actuellement, je possède une quarantaine de ruches. Elles se situent dans les Corbières en bordure des Pyrénées et en Ile de France : Seine et Marne et Essonne, à Milly La Forêt. Les ruches sont regroupées en plusieurs ruchers répartis dans la garrigue et le maquis ou en bordure de forêt abrités du vent. Les Corbières sont malheureusement un peu loin car un rucher nécessite au minimum deux à trois visites au printemps et deux autres pour la récolte. En hiver, j’entretiens les parcelles et le matériel. Je place parfois trois ou quatre ruches au fond de mon jardin surtout lors du fleurissement des arbres fruitiers. Un mur de deux mètres de haut me sépare des voisins, les butineuses passent au-dessus. Une toute petite surface peut suffire. Elles s'envolent sans déranger les voisins. Les abeilles ne piquent pas sans raison surtout pas les butineuses. Elles peuvent être agressives à proximité de la ruche et dans les couloirs d'envol ou de trafic intense. L'apiculture urbaine ne pose aucun problème. Le toit de l'Opéra Garnier en est un exemple ! Je suis apiculteur référent du rucher de l’hôtel de la région IDF, rue barbet de Jouy à Paris. Les ruches sont au milieu de la cour des bureaux des élus. Voilà enfin un sujet pour lequel il n’y pas de désaccord !

Les craintes existent toujours un petit peu. Il faut toujours être vigilant même avec l'expérience. On interprète les messages que nous envoient les abeilles ce qui nous permet de choisir les bons moments pour les opérations importantes. Un bon apiculteur dialogue avec la colonie. Une ruche ouverte est toujours impressionnante : 40 000 à 60 000 abeilles. En cas d'éventuelles assaillantes, l'enfumoir est un outil indispensable. La fumée est un repoussoir et en plus modifie un des modes de communication de la colonie celui qui passe par les phéromones. Les abeilles qui appellent à l’agressivité ne sont plus entendues. Par ailleurs elles ne sont pas agressives par nature elles protègent surtout leur progéniture.

Qu'est-ce qu'un essaim ? On parle de colonie pour désigner la population d'une ruche. L'essaim est une partie de cette population qui quitte la ruche si la reine est dédoublée par la naissance d'une jeune reine, fille de la reine en place. Ce dédoublement est naturel. On peut calquer nos pratiques d’apiculteur sur ces réactions naturelles en divisant artificiellement les colonies, à l'image d'un essaim naturel, afin de créer une nouvelle colonie. L’apiculteur prélève des cadres de ponte d'une ruche mère avec des abeilles éleveuses sans la reine et les introduit dans un nouvel habitat mais encore faut-il éloigner la nouvelle colonie de plus de trois kilomètres de sa souche sinon elles repartent retrouver leurs sœurs. Constatant l'absence de reine, les abeilles vont déclencher l’élevage d'une nouvelle reine à partir des œufs prélevés. La jeunesse d'une reine est la condition majeure d'une bonne miellée. Alors qu'elle peut vivre quatre à cinq ans, une reine est vraiment féconde seulement les deux premières années.

L'apiculture ce n'est pas seulement la récolte du miel. Une apiculture, digne de ce nom, implique de visiter le corps de la ruche où se trouve le nid à couvain (ensemble des œufs, des larves et des nymphes des abeilles). L’état du couvain donne l'indice de santé de la colonie. Une bonne reine peut pondre jusqu'à 1500 oeufs quotidiennement. Certains ne sont pas fécondés mais donneront vie à des faux-bourdons qui ne sont pas stériles pour autant. Les mâles de la ruche sont en fait issus des seuls chromosomes de la mère. Les femelles de la ruche, en fait les vraies abeilles, sont issues de la fécondation d'un ovule avec la semence mâle que la reine garde plusieurs années après son vol nuptial quasiment unique dans sa vie de reine.

Je récolte dans les Corbières audoises un miel toutes fleurs de Maquis composé uniquement de nectars de fleurs sauvages (bruyère, romarin, lavandin, ciste, thym, châtaignier…), un miel de Garrigue correspondant à une végétation méridionale plus basse que celle de maquis et enfin un miel mono-floral de Romarin et pour finir du Châtaignier, parfois de l’Arbousier quand la météo s’y prête. En Seine-et-Marne, je récolte généralement trois fois : D’abord un miel de printemps avec beaucoup de colza un miel presque blanc au gout sucré, puis l’Acacia miel doux par excellence finement parfumé (un peu plus fort, crémeux et coloré cette année) puis un miel de Tilleul et/ou de Châtaignier et de nombreuses autres fleurs locales. Depuis de nombreuses années je propose à mes voisins, mes amis et mes clients ma récolte conditionnée en pot de verre de 500 g et en carton de 3 kg (6 pots)

Les autres produits de la ruche sont : le pollen considéré comme le pain de la ruche que l’apiculteur peut détourner en partie à l’entrée de la ruche pour sa propre consommation. C’est aussi la gelée royale que secrètent les abeilles chargées de l'élevage et aussi la propolis sorte de mastic dont les abeilles font usage pour se calfeutrer. Cette dernière est en fait, un antibiotique naturel. Puis on trouve les produits dérivés fort nombreux pour ne pouvoir les citer tous. On connaît l'hydromel et le vinaigre, la cire…Je fais fabriquer à façon, avec mon miel, du vinaigre de miel et de l’hydromel. Avec le miel de Châtaignier je fabrique mes pains d’épices médaillés lors de concours dont certains lui ont attribué plusieurs médailles d’Or.

Quel est l'aspect des miels ? Cristallisés, liquides ou crémeux mais aussi clairs ou foncés, les miels sont parfois bien différents. Certains peuvent parfois être marbrés. Le miel est un produit dans lequel les bulles d’air circulent et parfois se font coincer lors de la cristallisation. On peut trouver une pellicule blanche en haut du pot ou des marbrures. Par ailleurs gardons-nous bien de dire qu'un miel est meilleur qu'un autre. C'est un peu l'histoire du chocolat noir comparé au chocolat au lait ou au chocolat blanc. Chacun reste libre de ses goûts.

Sachez que s'il y avait qu'une seule raison pour que l'apiculture soit pour moi une passion ce serait la célèbre phrase attribuée à Einstein " Si l'abeille venait à disparaître, l'humanité n'aurait que quatre années à vivre " : plus d'abeille, plus de fleur…plus d'homme.

 

Véronique Comte

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Commentaires
M
Dans votre article, vous indiquez avoir installé des ruches dans votre jardin derrière un mur de deux mètres de haut. A quelle distance de ce mur doit-on poser les ruches pour faciliter l'envol des butineuses. Je n'ai trouvé sur les divers sites visités pour répondre à cette question.
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